Histoire de l’ENCMM

La mortalité maternelle, malgré sa rareté dans les pays riches, est un indicateur fondamental de santé mais aussi de qualité du système de soins en général, et plus spécifiquement des soins en périnatalité. Elle est considérée comme un « événement-sentinelle » dont la survenue témoigne de dysfonctionnements, souvent cumulés, du système de soins. Outre les enseignements classiques de la surveillance épidémiologique – nombre de décès, ratio de mortalité maternelle, distribution des causes médicales, sous-groupes de femmes à risque-, son étude permet, par une analyse précise du parcours de chaque femme décédée, la mise en évidence d’éléments améliorables du contenu ou de l’organisation des soins, dont la correction permettra la prévention des décès mais aussi celle des évènements morbides d’amont relevant des mêmes mécanismes. Le profil de mortalité maternelle donne donc une information non seulement sur le risque attribuable à la grossesse et à l’accouchement, mais aussi sur la performance du système de soins.
Pour atteindre cet objectif épidémiologique et d’audit clinique, un système dit « renforcé » ad hoc est nécessaire et recommandé par les instances internationales, car les statistiques officielles de mortalité, issues de l’analyse du contenu du certificat de décès, ne permettent pas une évaluation satisfaisante de la mortalité maternelle, -sous-estimation importante, profil biaisé des causes, absence d’information sur le parcours de soins-.

C’est en reconnaissance de cette nécessité qu’a été mise en place l’Enquête Nationale Confidentielle sur les Morts Maternelles en France, sous l’impulsion de chercheurs Inserm et de sociétés professionnelles de cliniciens de l’obstétrique (CNGOF et SFAR), avec un fort soutien initial des pouvoirs publics. L’ arrêté du ministère chargé de la santé (arrêté de création J.O. du 2 mai 1995) lui adonné mission d’examiner les morts maternelles, d’identifier les facteurs en cause dans la survenue de ces décès et de proposer des mesures de prévention.

Depuis 1996, l’Enquête nationale confidentielle sur les morts maternelles (ENCMM) est réalisée en France en continu. La responsabilité scientifique et la coordination de cette enquête permanente a été confiée initialement à l’unité Inserm 149 devenue 953, puis U1153 équipe EPOPé (Épidémiologie obstétricale périnatale et pédiatrique) depuis 2014.
Le dispositif de l’ENCMM s’est initialement inspiré de l’exemple pionnier du Royaume-Uni, pays où une enquête confidentielle sur les morts maternelles existe depuis soixante-dix ans. Cependant, l’organisation actuelle est le fruit d’évolutions du dispositif, adaptées au contexte national français.

Depuis 1998, l’ENCMM a enregistré 1800 décès maternels dans tout le territoire français.

Objectifs

Le dispositif de l’ENCMM étudie l’ensemble de décès maternels en France avec un double objectif :

  1. la caractérisation épidémiologique de la mortalité maternelle et de son évolution –niveau, facteurs de risque, profil de causes-, selon une approche quantitative.
  2. l’analyse des circonstances de survenue et de la prise en charge de l’évènement morbide et de l’issue fatale,  afin d’identifier des axes d’amélioration, selon une approche principalement qualitative.

Ce dispositif national assure une double mission de surveillance et de recherche.

  • Il permet de produire les indicateurs de mortalité maternelle (niveau, causes et sous-groupes à risque) pour la France, à la fois dans le cadre de la surveillance nationale (rapport triennaux), mais aussi dans le cadre international (production des rapports mondiaux de l’OMS sur le thème).
  • La base de données ainsi constituée permet également des analyses spécifiques menées sur des aspects ciblés de la santé maternelle.

Le fonctionnement du dispositif

La méthode du dispositif de l’ENCMM

Pour assurer le recueil en continu des données de l’étude de manière exhaustive et confidentielle, l’ENCMM est organisée selonbla procédure suivante en 3 étapes :

  • Étape 1 : Identification des décès « associés à la grossesse » : de multiples sources pour garantir l’exhaustivité du repérage
    Tous les décès survenus pendant la grossesse ou jusqu’à 1 an suivant sa fin, quels que soient la cause et le mode de terminaison sont inclus. Quatre sources d’identification sont utilisées :
    • 1) l’ensemble des Réseaux de santé périnatale participent à un signalement direct en cas de survenue d’un décès possiblement maternel dans un établissement de leur territoire.
    • 2) les certificats de décès, en collaboration avec le centre d’épidémiologie des causes médicales de décès (CépiDc). Depuis Novembre 2022, la certification électronique des décès (en cours de déploiement) permet à la coordination de l’ENCMM d’être avertie, dès le remplissage du certificat, de toute certification d’un décès dans un contexte de grossesse ou accouchement (questions spécifiques dans le certificat).
    • 3)la base nationale des bulletins de naissances et de décès de l’INSEE permet d’identifier les femmes décédées dans l’année suivant une naissance ;
    • 4) la base nationale du PMSI (Programme de Médicalisation du Système d’Information) permet d’identifier les décès hospitaliers de femmes dans un contexte obstétrical.
  • Étape 2 : Documentation des décès : la mission des assesseurs de l’ENCMM
    Après avoir informé le(s) médecin(s) concerné par le cas, l’équipe EPOPé avise un binôme d’assesseurs, qui sera chargé de la collecte d’information (antécédents de la femme, déroulement de sa grossesse, circonstances de survenue de l’évènement ayant conduit au décès et prise en charge). Ce binôme est composé de cliniciens bénévoles et associe un obstétricien ou une sage-femme et un anesthésiste-réanimateur ou un psychiatre ou pédopsychiatre (selon le contexte). Les dossiers sont centralisés par l’équipe EPOPé et anonymisés avant consultation par le comité d’experts.
  • Étape 3 : Revue et classement des décès
    C’est la mission spécifique du Comité National d’Experts sur la Mortalité Maternelle (CNEMM). En réunions plénières (environ 6 journées/an), chaque décès qui a fait l’objet d’une enquête est discuté collégialement, à partir de l’ensemble des informations disponibles. A l’issue de la discussion collégiale, le comité porte un jugement consensuel sur :
    • 1) la cause du décès,
    • 2) le caractère « maternel » (lien causal avec la grossesse) ou non (lien temporel mais non causal) du décès.
    • Et s’il s’agit d’une mort maternelle : 3) l’adéquation des soins prodigués : les soins sont classés optimaux ou non optimaux
    • 4) le caractère évitable du décès, comme « non évitable », « possiblement évitable », ou « probablement évitable », selon l’existence de circonstances dont la correction aurait pu éviter l’issue fatale.

Autorisations réglementaires

Depuis sa création, le dispositif de surveillance ENCMM a été agréée par la Commission Nationale sur l’Informatique et les Libertés, autorisation actualisée au cours du temps. En 1995 ( Avis N°397377), puis en 2009 (déclaration N°1373501) et en 2018 (décision DR-2018-157) après avis favorable du CESREES.

L’équipe responsable de l’ENCMM

Toutes les membres de l’équipe de coordination de l’ENCMM travaillent dans l’équipe EPOPé (Équipe de recherche en Épidémiologie Périnatale, Obstétricale et Pédiatrique), au sein du CRESS (Centre de Recherche en Épidémiologie et Statistiques), affilié à l’Inserm (Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale) et à l’Université Paris Cité.

Coordination :

Catherine
Deneux-Tharaux
Médecin épidémiologiste, Directrice de recherche Inserm

Aude Almeras
Sage-femme, Coordinatrice nationale ENCMM

Monica Saucedo
Médecin épidémiologiste, ingénieure de recherche Inserm

Véronique Tessier
Sage-femme, Appui à la coordination nationale

La coordination a été renforcée au fil du temps par différentes personnes : Audrey Martinez Martin, Julie Daric, Audrey Sèvre

Secrétariat :

Tracy Mantina, Nathalie Codet , Sophie Pennec

Le Comité National d’Experts sur la Mortalité Maternelle

Le Comité National d’Experts sur la Mortalité Maternelle (CNEMM) a reçu les missions d’analyser l’ensemble des morts maternelles au niveau national :

  • l’analyse confidentielle, la caractérisation et le classement de l’ensemble des décès maternels en France, à partir des données issues de l’ENCMM ;
  • l’identification des facteurs en cause dans la survenue de ces décès ;
  • la proposition de mesures de prévention concernant la mortalité maternelle ;
  • la rédaction d’un rapport triennal sur le profil épidémiologique et les causes de la mortalité maternelle, et leurs évolutions.

Le CNEMM comprend 20 membres dont 18 personnalités qualifiées nommées par décision de la directrice générale de Santé publique France et deux membres de droit.

Sont membres de droit : Un épidémiologiste de l’équipe EPOPé nommé par le Directeur de l’ITMO-santé publique de l’Inserm. Un épidémiologiste du CépiDC nommé par le Directeur de l’ITMO-santé publique de l’Inserm.

Sont nommées en tant que personnalités qualifiées : Six gynécologues-obstétriciens, six anesthésistes-réanimateurs dont Un(e) réanimateur (avec activité prépondérante dans un service de réanimation), deux sages-femmes, un(e) spécialiste de médecine interne, n spécialiste en cancer et grossesse, deux psychiatres.

Les personnalités qualifiées du CNEMM sont nommées pour une durée de trois ans.

Ces experts sont nommés pour une durée de trois ans. La sélection des experts qualifiés du CNEMM s’est effectuée en trois étapes :

  1. analyse par le Comité interne de déontologie (entité fonctionnant de façon indépendante à la conduite des projets et des DPI qui lui sont présentés) des déclarations publique d’intérêt (DPI) des candidats sélectionnés ;
  2. sélection des dossiers de candidature au CNEMM par un jury composé à part égale de membres de l’Inserm et de Santé publique France ;
  3. nomination des experts par le directeur général de Santé publique France.


Composition du CNEMM :

2021-2024

2024-2027

Les assesseurs de l’ENCMM

Les assesseurs de l’ENCMM sont des cliniciens en activité, gynécologues-obstétriciens, sages-femmes, anesthésistes-réanimateurs et psychiatres, répartis sur l’ensemble du territoire, au sein d’un pool d’environ 220, qui assurent bénévolement cette mission.
Pour chaque décès signalé ou repéré, la coordination de l’enquête retrace le parcours de soins des patientes décédées afin d’identifier tous les praticiens/services impliqués dans la prise en charge (médecin traitant, maternité de suivi, maternité d’accouchement, SAMU-SMUR, service de décès, etc). Elle avise alors un binôme d’assesseurs, qui sera chargé de la collecte d’information, par consultation des documents médicaux de la femme, et rencontre avec les équipes l’ayant prise en charge. Ce binôme associe un obstétricien ou une sage-femme et un anesthésiste réanimateur ou un psychiatre ou pédopsychiatre, selon le contexte de décès. Ils réalisent 1 à 3 missions/an. Les assesseurs constituent un élément-clé du dispositif.

Liste des assesseurs de l’ENCMM par région et spécialité

Les institutions tutelles de l’ENCMM

Le dispositif de l’ENCMM a une double tutelle, l’Inserm et Santé Publique France pour l’ENCMM.

Les activités du CNEMM, initialement sous la tutelle directe de la Direction générale de la santé, ont été placées sous celle de l’InVS (Institut de veille sanitaire) entre 2006 et 2010, puis de la Haute Autorité de santé (HAS) entre 2011 et 2014, et à nouveau de l’InVS depuis juin 2014, devenue l’Agence nationale de santé publique en 2016 (SPF).

Les partenaires de l’ENCMM

  • Réseaux de santé périnatale
  • CépiDC Inserm, https://www.cepidc.inserm.fr/
  • Insee
  • Les sociétés savantes: Collège national des gynécologues obstétriciens français, Club des anesthésistes réanimateurs en obstétrique et la Société française d’anesthésie réanimation, le Collège national des sages-femmes, la Société française de médecine périnatale
  • Réseau INOSS https://www.npeu.ox.ac.uk/inoss